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Protection de la vie ou libre choix?

Quelques considérations éthiques au débat actuel 

1. Arrière-plan social

La vie dans notre société est toujours plus liée à la capacité de planification de l’être humain. On peut de plus en plus s’assurer contre les risques inhérents à la vie. La vie n’a, désormais de valeur que si elle est planifiable et réalisable. Le « hasard » doit autant que possible être écarté et la vie naturelle modelée selon la volonté humaine. Cette pensée nous influence tous. Elle est aussi appliquée sur tout ce qui touche le début de la vie, début qui n’est plus considéré comme un « événement naturel » mais une simple conséquence de l’action planifiée par l’homme. Le contrôle rationnel et technique des naissances vient appuyer la perception courante que la vie n’est pas un enchaînement de circonstances, elle n’est pas un cadeau que l’on accepte même quand il n’a pas été planifié. A la pensée que le devenir d’un enfant est le résultat d’une décision ou d’une action humaine, correspond la revendication de pouvoir « éliminer » un enfant pas encore né, lorsqu’il n’est pas désiré, dès lors qu’il est un produit du hasard. La femme est ainsi en droit de déterminer le moment et le nombre de ses grossesses. C’est pourquoi elle a le droit existentiel d’avorter un enfant non désiré. L’avortement est même considéré comme un moyen de régularisation des naissances. 

D’un autre côté, on fait appel aux moyens médicaux les plus sophistiqués pour satisfaire le droit existentiel de la femme à avoir un enfant. Là encore les considérations d’ordre éthique sont balayées par l’argumentation que l’impossibilité d’avoir une grossesse n’est pas acceptable.

Ainsi, il peut arriver que dans le service gynécologique d’un même hôpital, un embryon non désiré soit « éliminé » dans une salle d’opération, alors que dans une autre salle, un embryon est fécondé dans une éprouvette pour un enfant qui est absolument désiré. A la planification technique de la vie correspond une diminution de la capacité et de la volonté d’accepter et d’assumer la venue au monde d’un être non planifié et non désiré. Ceci est une des conséquences de la perte des valeurs transcendantales.

A cette pensée de la « faisabilité » se greffe inévitablement la conviction que la vie nous appartient entièrement, au même titre que d’autres biens matériels. Ainsi, l’homme s’octroie le pouvoir de donner ou de refuser le droit à la vie d’un embryon. L’argument décisif en fin de compte sera: l’être en devenir nuit ou profite à l’individu, à la famille ou à la société.

Il semble que de plus en plus la santé, le bonheur, le bien-être et le confort croissant soient les seules valeurs consensuelles de notre société et que celles-ci tendent à contrôler la politique de notre pays. Il devient dès lors difficile pour un individu isolé de se prononcer à l’encontre de l’opinion générale et d’envisager de renoncer à son propre bien-être personnel en faveur d’un enfant à naître.

2. Un être humain dès le commencement

2.1. Point de vue scientifique

Du point de vue biologique, on peut constater que chaque enfant appartient au genre humain dès sa fécondation. Le développement de toute vie humaine est un processus continu qui ne présente pas de sauts qualitatifs. Il débute par la fécondation. Une composition quasi identique de gènes est accordée à chaque enfant. Son patrimoine génétique est constitué par l’héritage maternel et paternel. Il est complet dans chaque cellule du corps et ne subira plus aucun changement tout au long de sa vie (à l’exception de mutations et de certains types de cellules).

Dans les heures qui suivent la fécondation, le programme génétique du développement embryonnaire se déclenche avec la plus grande exactitude et régularité. L’empreinte humaine est reconnaissable à chaque stade du processus. Les organes tels que le cœur, la moelle épinière, le cerveau, les yeux, etc. sont formés durant le premier mois. Le visage se développe au 2ème mois. Les doigts et les orteils apparaissent visiblement aux extrémités des bras et des jambes. Le cartilage se transforme en ossature. Le visage prend forme au 3ème mois et le front, le nez, la bouche se mettent en place. Les bras et les jambes deviennent des membres. Les organes génitaux sont visibles. La forme extérieure est déjà si bien formée qu’aucune autre transformation majeure n’aura lieu. C’est au 4ème mois que le visage prend son expression humaine. Inutile d’en dire davantage quand on songe que les partisans de la solution des délais veulent entre autres libéraliser l’avortement jusqu’à la 14ème semaine et au-delà.

En biologie, on différencie la potentialité et le stade actuel. La potentialité (ce qui peut se réaliser) de la cellule fécondée est totale. Elle contient toutes les informations nécessaires au développement d’une personne jusqu’au stade adulte. Plus l’individu grandit, plus sa potentialité diminue et son stade actuel (ce qui est) augmente. Notre potentialité n’est jamais entièrement réalisée avant la fin de notre vie. Chaque être humain est en perpétuelle évolution ou mutation. Des transformations constantes interviennent au niveau du corps, de l’âme et de l’esprit. Durant la phase embryonnaire, c’est la forme qui est concernée et par la suite, son contenu (âme, esprit, maturité). Les deux sont complémentaires. Sans la forme, il n’y a pas de contenu.

La remarque méprisante, qui incite à ne pas faire tant de cas d’un soi-disant amas de cellules informe dans le sein maternel, témoigne de l’ignorance et de l’arrogance.

Au contraire, lors d’interventions thérapeutiques sur l’embryon, la médecine prénatale octroie un statut de patient à l’enfant à naître, au même titre que la mère.

Le fait de vouloir fixer une limite, dans laquelle un avortement serait permis, ne tient pas compte de considérations objectives. On pourrait aussi bien avorter au 9ème mois par une césarienne. La limite est uniquement déterminée sur la base de la grandeur de l’embryon et le caractère pratique de l’intervention.

2.2. Le point de vue judéo-chrétien

En fait dans la Bible, il n’est fait nulle part explicitement mention de quand débute la vie humaine. Toutefois la question trouve un élément de réponse très vraisemblable dans les passages décrivant la relation de Dieu avec l’être humain. On peut ajouter que la vie en elle-même n’est pas sacrée au sens absolu. Car il est possible pour certains de sacrifier leur vie pour un but plus élevé!

Dieu est la source de la vie (Genèse 1; Psaume 36:10, 104:30). Il peut donner la vie aux hommes, la maintenir, mais aussi la reprendre. Dieu seul a le droit de disposer de la vie. Le commandement « tu ne tueras point » souligne également ce fait (Exode 20:13; Genèse 9:5-6).

Divers passages bibliques montrent que Dieu a des projets avec certaines personnes déjà avant leur naissance. Par exemple, l’auteur du Psaume 139 s’émerveille: « C’est toi qui m’as tissé dans le sein de ma mère … Et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui m’étaient destinés, avant qu’aucun d’eux existe ». Job va dans le même sens (Job 10:8-12). A cela s’ajoutent les textes prophétiques comme Jérémie 1:5; Esaïe 49:1,5. Pensons aussi, dans le Nouveau Testament, aux événements qui entourent la naissance de Jésus (Luc 1:15, 41, 44).

Comme la chrétienté se répandait dans tout le monde gréco-romain païen, dans lequel non seulement l’avortement était permis mais également l’abandon des enfants (de même que celui des vieillards et des malades), le rejet de cette pratique allait de soi pour les chrétiens. D’anciens manuscrits postérieurs à la Bible (Didache, Lettre de Barnabé, Lettre à Diogène, entre autres) montrent clairement que l’avortement était considéré comme un meurtre infantile: « Aime ton prochain plus que ton âme. Ne tue pas un enfant par avortement, ne tue pas le nouveau-né » (Barnabé 19:5).

Certains moralistes protestants sont fortement imprégnés d’idéalisme. Au sens moral, ils voient dans la libre détermination de l’homme une valeur naturelle intrinsèque. La libre décision au sens moral est placée au premier plan. Le point de vue que la vie soit sacrée, y compris la vie biologique, s’efface devant la libre détermination morale de chaque individu. Pour eux, la vie humaine n’est pas tant un processus naturel qu’un acte de la volonté humaine. De ce fait, n’est humaine que la vie désirée. Il serait indigne à l’homme de venir au monde si sa destinée naturelle n’avait pas été désirée.

Celui qui fait de la liberté et du libre arbitre des principes absolus oublie que l’être humain est une créature de Dieu. Lorsque l’interdépendance entre l’homme et la création est niée, l’être humain se considère lui-même comme son propre créateur. Il s’octroie le droit de disposer de la vie selon ses propres intérêts. Dans le domaine de l’écologie, ce mode de pensée a été à la source de grandes crises.

3. Discussion socio-philosophique sur la valeur et la dignité humaine

Certains moralistes proposent de définir la vie humaine à partir de la vie sociale, et de considérer la naissance comme l’entrée dans la vie sociale. Le fœtus ne deviendrait un être humain qu’au moment où il entrerait dans la communauté humaine et serait accepté par elle. C’est ensuite au travers des hommes que le nourrisson recevrait sa dignité humaine et le droit d’être une personne à part entière et d’être traitée comme telle. Ainsi l’enfant ne serait digne d’être protégé que dans la mesure où sa mère veut le porter jusqu’à terme et l’intégrer à la communauté humaine. Toute dignité humaine serait une dignité d’affiliation à la société humaine. Sur la base de ces considérations, seule la vie désirée et acceptée serait alors une vie humaine. Qu’arriverait-il si nous appliquions ce point de vue et cette compréhension de la dignité humaine, par exemple au domaine de la gériatrie ou de la psychiatrie?

La vie biologique est la valeur de base fondamentale, supportant et rendant possible toutes les autres valeurs de la vie. Le niveau biologique sert de base au développement d’un être humain sur le plan psychique et social. L’atteinte à la vie biologique est irréversible.

La vie est certes vécue dans la relation avec le « tu », mais elle n’est pas constituée par elle.

D’un point de vue chrétien, la dignité d’une personne n’est pas une qualité démontrable. Elle ne se fonde pas non plus sur ce qui est jugé raisonnable ou qui est apte à répondre. La dignité humaine se fonde notamment sur l’action de Dieu sur l’homme en tant qu’être créé et aimé. C’est une promesse éternelle faite à l’homme. Elle est fondée sur ce que nous appelons la transcendance et se soustrait à toute influence politique et sociale. Sa valeur est indépendante de la capacité de perception de l’être humain (handicap).

Ceci est à prendre en considération tout d’abord dans les discussions sur l’avortement thérapeutique auquel on a recours sur la base d’un diagnostic prénatal.

4. Protection de l’enfant

L’avortement est une violence exercée contre le membre le plus petit et le plus faible de notre société. C’est avec raison que notre société condamne toute forme de violence à l’égard des enfants.

Sur la base des considérations qui précèdent, l’enfant qui n’a pas encore vu le jour est un être humain à part entière. De ce fait la mise à mort d’un enfant non né doit être jugée sur le principe au même titre que celle d’un enfant né.

Cet état de fait forme en lui-même l’arrière-plan de la situation éthique conflictuelle. Raison pour laquelle la tendance actuelle consiste à accorder à la vie en devenir une valeur aussi moindre que possible et de considérer la valeur humaine de l’embryon, respectivement du fœtus, comme purement religieuse.

Dans la mesure où il est encore question d’un conflit éthique, il existe la tendance aujourd’hui d’abandonner le « bien juridique » que représente un enfant au profit d’autres biens (qui nous reviennent de droit), même si ceux-ci ne peuvent en aucun cas être comparés et mis à pied d’égalité avec le droit à la vie d’un être humain : inconvénients au niveau de la formation et sur le plan professionnel, en raison de l’âge, de situations psychique, familiale ou financière difficile. Mais les défenseurs de la solution des délais ne voient souvent même plus de conflit éthique dans un avortement.

Un certain cynisme apparaît et s’exprime dans le fait que seuls les enfants désirés peuvent être considérés comme aimés et heureux. Il est vrai que certaines biographies vont dans ce sens, c’est-à-dire qu’une personne qui avait été conçue involontairement l’a fortement ressenti dans son enfance. Supprimer pour cela la possibilité de vie aux enfants non désirés est arbitraire. Par ailleurs, il est tout aussi vrai que certains enfants pourtant désirés n’ont pas eu une vie heureuse. Et que même certains enfants longtemps désirés ont été tellement écrasés par les attentes et les projets parentaux mis sur eux qu’ils en ont été presque brisés.

Il est à relever qu’une société qui libéralise l’avortement et veut même empêcher toute vie handicapée aura également un comportement brutal envers ceux qui sont en vie. Même en traitant les statistiques avec toute la prudence qui s’impose, on a constaté aux Etats-Unis que les abus sur les enfants ont fortement augmentés conjointement à la libéralisation de l’avortement (1976: 669 000; 1994: 3 mio selon le « National Center of Child Abuse and Neglect »).

La solution des délais est une démission de l’Etat par rapport au droit constitutionnel de protéger la vie. C’est ce que désirent les partisans d’une telle solution. Ils parlent du pouvoir de coercition de l’Etat dans la procréation.

Un retrait de l’avortement hors de la réglementation juridique a valeur d’avertissement et équivaut à une approbation de l’avortement.

Sur le plan législatif, il est extrêmement important de veiller à ce que le but de maintenir la vie soit atteint. En cela, il est évident que la vie ne peut être protégée qu’avec le concours de la femme et non contre sa volonté. La loi doit servir le but de soutenir la femme dans son cheminement d’acceptation de l’enfant.

Sur la base d’une volonté précise, qui accorde à l’enfant la protection maximale, la discussion doit aboutir à une nouvelle réglementation sur l’interruption de grossesse. En cela, l’avortement doit toujours être considéré comme une solution extrême. De ce fait, nous ne laissons aucune voie d’accès au non-respect du droit à la vie de l’enfant à naître. Nous pensons ici à des situations de grande détresse, lorsqu’il y a eu viol, ou sur avis médical (lorsque la vie de la mère est en danger). Ici un choix doit être fait pour la protection de la vie: entre la vie de l’enfant dans le sein de sa mère et la vie de la mère. C’est une manière de voir différente, alors que toute une société ne voit même plus un problème fondamental dans une décision de ce genre.

5. Soutien de la mère

 Les partisans de la solution des délais voient dans l’avortement un droit de la femme, une possibilité d’autodétermination. Une femme qui avorte agit d’une façon responsable et mérite le respect. Une solution des délais s’imposerait par respect pour la responsabilité personnelle de la femme.

On ne peut nier qu’une femme devant faire face à une grossesse non désirée vit souvent des situations difficiles et qui paraissent insolubles. Certaines femmes parviennent à une telle détresse intérieure et extérieure qu’elles voient dans l’avortement leur unique porte de sortie, ceci même lorsqu’elles reconnaissent l’injustice de cet acte.

Par ailleurs, on oublie qu’avec la libéralisation de l’avortement la pression exercée sur la future mère pour qu’elle avorte augmente également. La plupart des femmes avortent par égard à leurs relations humaines. Dans la plupart des cas c’est le père de l’enfant qui pousse à l’avortement. Souvent aussi c’est la propre mère de la femme enceinte qui lui conseille cet acte. Des femmes choisissent l’avortement pour faire plaisir à ceux qu’elles aiment.

Lorsqu’on suppose un handicap chez l’enfant, la pression est manifeste. Il n’est pas rare que dès 35 ans les femmes soient contraintes à faire un examen prénatal, et par-là même confrontées à des conflits à la limite du supportable: « Quand on peut éviter un enfant handicapé, il faut le faire ! ». Les conséquences sociales d’une telle approche sont perceptibles depuis longtemps. Comme la question d’un passant effrayé demandant à une mère promenant son enfant handicapé: « N’aurait-on pas pu éviter cela? ». Les caisses maladies aux Etats-Unis ne prennent en charge les enfants qu’à la condition qu’ils aient subi un examen prénatal lorsqu’on suspecte des anomalies génétiques. Il y a quelques années des parents ont gagné un procès contre un médecin qui avait négligé de procéder à un test prénatal. Un enfant handicapé devient un cas qui aurait pu être évité. Les considérations financières contre le droit à la vie, mettent les femmes sous pression.

Un avortement ne se fait pas sans laisser de traces chez la femme. Cela n’a rien à voir avec des sentiments de culpabilité suggérés par une morale chrétienne. Des études menées sur le syndrome de post-avortement (PAS) démontrent que beaucoup de femmes ne peuvent pas assumer les conséquences difficiles d’un avortement. Inconsciemment, la femme sait que c’est son enfant qui meurt lors d’un avortement. C’est une fille, ou un fils, qui lui ressemble, comme chaque enfant qu’elle met au monde. L’avortement n’est pas le traitement thérapeutique d’une maladie mais l’interruption d’un processus sain et normal. Il n’est pas surprenant que la rupture d’un processus naturel soit préjudiciable.

6. Devoir des Eglises

Les Eglises ont le devoir de veiller à apporter par la proclamation et l’enseignement toute la clarté nécessaire sur les questions relatives à la vie. Elles ont d’abord à transmettre une prise de conscience du respect de la vie (en devenir). L’avortement est un non respect du commandement: tu ne tueras point. Comme ces valeurs ne sont plus toujours décrétées premièrement par la loi, les Eglises ont le devoir de convaincre par leur exemple de vie et par un travail de persuasion.

Leur deuxième tâche est de rappeler constamment que la sexualité n’exprime toute son humanité que lorsqu’elle est vécue dans une relation responsable et personnelle. Par cette approche, elles étayent la meilleure information sur la contraception. Dans la mesure de leurs possibilités, elles doivent contribuer à préserver la vie de l’enfant. Elles peuvent le faire par la mise en place de lieux de consultation, par un accompagnement social, en favorisant le développement d’un climat favorable à l’enfant et en renforçant la prise de conscience au niveau du service au sein des églises (diaconat).

Finalement, les Eglises doivent aussi apporter une relation d’aide aux personnes marquées psychiquement à la suite d’un avortement. Tout particulièrement lorsque le refus à l’avortement est clairement énoncé, qu’il est dénoncé comme péché et acte criminel, une parole de pardon doit pouvoir être proclamée et reçue. Par la confession du péché, la grâce est reçue.

7. Devoir de l’Etat et de la société

Le droit à la vie est un droit humain fondamental. Il est du devoir de la loi de veiller à la protection de la vie née et pas encore née. La protection de la vie n’est pas seulement un devoir individuel, mais également solidaire et public. Ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes ont précisément besoin de la protection d’autrui. Cela va de soi pour les enfants qui sont nés et cela devrait être aussi le cas pour les enfants à naître. L’Etat a le devoir de protéger la vie en gestation. Le législateur ne peut pas s’en remettre à de simples considérations d’ordre privé quand la décision porte sur une question qui a trait à la vie et à la mort. Ni la cessation d’une vie, qui n’est pas encore née, ni une existence humaine qui est touchée par un handicap ou par la sénilité, ne peuvent être laissées au libre arbitre d’un individu ou d’un groupe. C’est particulièrement le rôle de l’Etat de veiller à l’inviolabilité de la vie. Même les personnes de conviction non chrétienne doivent se rendre compte combien douloureuses sont les conséquences qu’entraîne l’abolition du respect absolu et fondamental de la vie.

La législation et le droit pénal exercent ici une fonction de soutien. Le droit pénal défend les mœurs, même si on ne peut pas s’attendre à ce que la prise de conscience face à la moralité se renouvelle au travers du droit pénal. Il a toutefois une influence prépondérante sur la prise de conscience du citoyen quant au droit. Cela s’observe par exemple dans le domaine du trafic routier.

A côté de la législation, tout reste à faire pour donner à l’homme des conditions de vie qui maintiennent et soutiennent l’existence. Une aide doit être apportée aux femmes enceintes manquant de ressources personnelles. Chaque année, les avortements coûtent aux caisses maladies 65 millions de francs, sans compter les autres frais qui en découlent. L’Etat doit en premier lieu soutenir les institutions non étatisées; leur avantage est que les femmes concernées ne deviennent pas dépendantes d’un système d’assistance. Ces institutions offrent un logement, des conseils, une assistance médicale, un réseau relationnel de soutien et des possibilités de parfaire une formation. Par ailleurs, l’adoption devrait être facilitée et encouragée. Une société qui accepte que dans son sein des enfants soient délibérément tués pour des raisons économiques est proche de la barbarie, alors que nous sommes dans un pays avec un niveau de vie encore élevé.

Dans tous les cas, un droit de consultation doit être exigé dans le cadre du respect de l’obligation minimale de protection de la mère et de l’enfant. Les conseils qui sont donnés en relation avec des grossesses non désirées appartiennent, par la nature des préoccupations, à un accompagnement qui tient compte des valeurs. Des décisions de vie et de mort seront prises. La consultation doit permettre de prendre conscience que l’acceptation d’un enfant n’est pas une entrave au bonheur personnel mais peut être un enrichissement de vie.

Les pouvoirs publics devraient organiser des campagnes de prévention, analogues à celles de « Stop SIDA », favorisant l’acceptation de l’enfant.

Le législateur doit soutenir la famille en tant qu’institution favorisant la vie et son maintien.

8. La voix de la conscience

Le législateur doit s’assurer qu’aucun être humain n’est contraint d’effectuer une intervention médicale qui irait à l’encontre de sa conscience. Un refus de sa part ne doit pas porter préjudice à sa vie professionnelle ou privée. Cette règle ne vaut pas lorsqu’il s’agit de sauver une personne de la mort ou ayant de graves lésions physiques.

Document adopté par le Conseil de l’Alliance Évangélique Romande (AER)

Texte original: « Abtreibung: Lebensschutz contra Selbstbestimmung? », publication SEA

Auteur: Jürg Buchegger, pasteur

Rédaction: Fritz Herrli

Traduction: en équipe

© AER, juin 1999